L'autre soir, j'ai décidé d'envoyer un email à des copains pour leur demander ce qu'ils voulaient faire comme boulot quand ils étaient petits, et quel a été ensuite leur parcours professionnel. Je ne prétends pas faire une analyse statistique rigoureuse et encore moins une thèse de sociologie mais je m'interroge sur l'évolution de nos vies professionnelles et dans quelle mesure on a une quelconque influence sur les événements en dépit des barrières qu'on peut rencontrer. Je me demande comment se décide une carrière, comment elle évolue au fur et à mesure qu'on réalise certaines choses et qu'on cerne mieux nos capacités et nos goûts. Quand on a une passion lorsqu'on est enfant, si farfelue soit-elle, est-ce qu'on s'y tient? Est-ce qu'on l'abandonne totalement? Tout seul ou lors de l'orientation à l'école? Est-ce qu'on y revient parfois ou toujours? Qui autour de moi fait le boulot dont il rêvait? Et sinon, est-ce une frustration ou juste un bon souvenir?
Parmi les répondants, et je ne pense pas trop m'avancer en disant parmi tous les gens que je connais, personne ne fait vraiment le boulot dont il rêvait étant enfant. Prenons mon exemple pour commencer. À la maternelle, je voulais être la maîtresse. J'étais peut-être attirée par le savoir et la toute-puissance du personnage. Plus tard, j'ai réalisé le genre d'élève que je pouvais être et que je risquais d'être confrontée au même genre d'énergumène (wow, c'est la première fois de ma vie que j'écris ce mot!) que moi (dissipée à tendance insolente, et capable de générer une inertie considérable quand le sujet n'est pas d'un grand intérêt), je me suis dit que ça n'allait pas le faire.
Plus tard, j'ai été intéressée par une carrière dans la justice. Mon père était huissier de justice, ces clients l'appelaient "Maître", et je trouvais que c'était super cool. Je pensais que ça m'irait très bien aussi. En revanche, la profession d'huissier, c'était pas le délire: les assignations à comparaitre, les sommations de payer, les constats d'adultère à 6h du mat ou les saisies conservatoires, y a plus enthousiasmant à mon goût. En revanche, avocat, ça avait l'air pas mal. On les appelle "Maître" aussi (quand on mesure 1,10 m à 8 ans, ce genre de trucs paraît vraiment prometteur...), ils bondissent de leur siège en hurlant "Objection, Votre Honneur!", et ils font des effets de manche avec leur robe noire devant une audience médusée. Bon, ensuite, je me suis rendue compte que ça ne consistait pas qu'à défendre la veuve et l'orphelin, et que les coupables (les voleurs, les assassins, le côté obscur de la Force) avaient aussi droit à un système de défense. Pas question de prendre part à ça! Fin de ma carrière d'avocate.
J'ai aussi voulu être médecin. Qui n'a pas voulu exercer cette noble profession, et sauver des vies ou faire naître des bébés dans un ascenceur en panne??? Ici, il semble que les raisons d'abandonner varient selon les gens, et pas seulement à cause des 10 ans d'études et du numerus clausus. Pour certains, ce sont les parents qui découragent voire interdisent formellement. Pour moi, c'est un bouquin de médecine qui a stoppé net mon intérêt pour la profession. Je m'explique: un de mes oncles était étudiant en médecine, et un après-midi où je squattais dans son salon en feuilletant ses bouquins, je suis tombée sur un qui traitait des maladies de peau (varicelle, variole, et autres escarres). L'ouvrage débordait de photos en couleurs, extrêmement détaillées, de tous genres de lésions cutanées. J'ai pris conscience que j'aurais du mal à dealer toute la journée avec des gens qui souffrent, en particulier si il n'y avait pas de solution immédiate et définitive pour faire cesser les douleurs. Bye bye, Docteur Gégé...
Plus récemment, j'aurais bien aimé être journaliste. Pour quelqu'un qui n'a pas vraiment un profil littéraire et qui avait peine à pondre des disserts de plus d'une copie double (avec une large marge et en écrivant GROS...), je me suis découvert un intérêt pour l'écriture par hasard, en écrivant une nouvelle humoristique dont l'un des personnages était ma prof de physique de terminale qui m'avait foutue dehors de son premier cours de l'année! J'ai continué en étant rédactrice en chef d'une newsletter à la fac. J'écrivais aussi les rubriques cinéma, livres et les reportages sur les exploits sportifs de nos équipes de rugby et de basket. Comme j'ai loupé l'inscription au CELSA pour une sombre histoire de date limite de soumission des dossiers (et après je me demande comment se font et se défont les carrières...), j'ai fait un DESS de Marketing option "Statistiques de la vie des chips" - véridique, j'ai des témoins. J'ai fait mon stage de fin d'études au "Figaro Grandes Écoles et Universités", qui venait d'être rebaptisé "Figaro Étudiant" parce que tout le monde l'appelait seulement "Figaro Grandes Écoles" et que ça faisait pas mal élitiste, en plus d'être de droite! J'écrivais des brèves sans grand intérêt, des publi-reportages tout aussi inintéressants (mais néamoins rémunérateurs puisque j'étais payée au feuillet pour ça), et 1 (un) article signé... sur les 24 Heures de l'INSA de Toulouse. Lorsqu'une infime partie de la rédaction (dont un est maintenant reporter pour TF1) s'est déplacée pour couvrir la Course Croisière EDHEC, j'ai fait partie du voyage, et je me suis essayée à la radio avec des étudiants de l'ESJ. La radio a le côté fun et immédiat de la télé sans la pression de l'image. J'en garde d'excellents souvenirs. Au rayon du name dropping (ma grande spécialité), j'ai aussi eu l'occasion de faire des blagues téléphoniques (une autre de mes spécialités - je suis très polyvalente) avec Rodolphe Geisler (aujourd'hui journaliste politique au Figaro). La plus célèbre est celle faite à Nicolas Rey (écrivain, chroniqueur de "Comme on nous parle" sur France Inter", et fidèle collaborateur de Pascale Clark) qui était à l'époque une sorte de "dandy à mèche" avec une éternelle écharpe, même en plein été. Je l'ai appelé en me faisant passer pour sa conquête de la veille dont il n'avait aucun souvenir... évidemment. De longues minutes de solitude pour notre Casanova de la rue d'Aboukir. Très drôle! Du coup, je n'ai jamais eu d'exemplaire dédicacé de son premier roman Treize Minutes qu'il avait offert à toutes les autres filles du journal.
Quand j'ai eu fini mes études de marketing, j'aurais voulu être chef de produit chez Nike, et je me suis retrouvée à bosser dans les médias pour une marque de margarine pour les séniors qui ont du cholestérol!!! Ce qui ne veut pas dire que je ne me suis pas éclatée. J'ai eu la chance de travailler avec des gens exceptionnels qui m'ont considérée comment un membre de leur équipe plutôt que comme un simple fournisseur, qui m'ont fait confiance et qui ont pris des risques qu'on avait calculés ensemble. Quand leur top management a décidé de se séparer de l'agence dans laquelle je travaillais, ça nous a brisé le cœur. Mais bon, au final, je faisais partie d'un de leurs nombreux fournisseurs, et ils étaient mon seul (et adoré) client. Il était temps pour un changement, radical même si il m'a fallu 18 mois après la rupture pour le concrétiser. Un nouveau départ en forme de retour: retour à Toulouse, retour sur les bancs de la fac, et retour aussi inattendu qu'inespéré vers un élément qui me fascinait depuis longtemps: l'air.
Quand j'étais petite, j'étais fascinée par l'exploration spatiale. J'ai grandi en regardant Star Wars, Galactica, Star Trek, Goldorak, Ulysse 31 et Il Était Une Fois l'Espace. Je ne comprenais pas forcément les tenants et les aboutissants, et pour être honnête, je m'en foutais un peu. En revanche, je raffolais des interminables travelings le long des vaisseaux spatiaux! Je ne m'explique pas pourquoi ça me plaisait autant mais je me voyais bien me balader dans les couloirs en discutant avec un robot, ouvrir des portes coulissantes octogonales et flotter en apesanteur. Quand j'ai été en âge d'être un peu plus réaliste sur la faisabilité de la chose, je me suis dit que les avions, c'était pas mal aussi. Long story short, j'étais pas une flèche en maths, et c'était un condition assez incontournable pour devenir pilote... Consolons-nous en regardant L’Étoffe des Héros pour la centième fois, et parlons de vous plutôt.
Je connais certains d'entre vous depuis (très) longtemps mais on avait jamais parlé de ça. J'étais super contente que vous soyez nombreux à me répondre (autre chose que "qu'est-ce que ça peut te f@#*$%?!?") et que vous partagiez vos ambitions d'enfant ou d'adolescent. On a donc une bonne quantité d'aspirants-pilotes (forcément...), pas mal de gens qui voulaient être des scientifiques (des Cousteau, des Indiana Jones, des Haroun Tazieff, des chercheurs, des ingénieurs et même un météorologue!) ou des journalistes.
Contrairement à ce que je pensais, il y avait parmi vous beaucoup moins de flics, de pompiers, d'infirmières, de médecins ou de vétérinaires que je ne le pensais. Encore moins d'artistes, de chanteurs, de musiciens ou de stars de ciné (on a peut-être grandi trop tôt avant la Star Ac' ou trop tard après le quart d'heure de célébrité de Warhol). Et aucun sportif professionnel!
Tout ça serait vraiment trop sérieux (et beaucoup moins drôle) si aucun de nous n'avait voulu être:
- espion
- pilote de formule 1
- robot
- cowboy et tuer les indiens
- mariée à un cowboy et vivre dans une caravane tirée par une DS bleu clair
- président de la république (un projet d’expansion de premier de la classe)
- concierge, pour le côté incontournable et la position stratégique au sein de l'immeuble
- styliste de mode
- goûteuse du roi, plus par gourmandise que par patriotisme
- prêtre
- tueur à gage, pour le côté froid et sans émotion - heureusement, il n'a pas donné suite
- hôtesse de l'air (qui ne savait pas encore ce que "s'envoyer en l'air" veut dire!!!)
- trapéziste (découragé par sa conseillère d'orientation...)
En lisant vos emails, je n'ai pas eu l'impression que beaucoup soient vraiment très frustrés de ne pas faire le métier dont ils rêvaient. En revanche, je constate que les briseurs de carrière sont souvent des conseillers d'orientation. Moi, j'dis ça, j'dis rien, hein...
Le côté positif pour notre génération (et j'espère que ça ne fera que se développer), c'est qu'il est possible d'envisager une reconversion. C'est loin d'être facile parce qu'après les conseillers d'orientation, on est confrontés aux recruteurs qui ne peuvent pas se permettre de donner une chance à un outsider et recherchent systématiquement le mouton à 5 pattes (jeune mais avec de l'expérience, bien éduqué mais avec un salaire au ras des pâquerettes) mais c'est faisable. J'en suis la preuve.
Ce post est dédié à ma maman, à une des membres fondateurs du mouvement terroriste RON-RON (circa 1978), et à mes profs de français qui trouvaient mes écrits toujours trop synthétiques.
Encore merci à tous ceux qui ont participé!
mercredi 13 février 2013
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1 commentaire:
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